"Je rêve de toi, grand-père"
Je rêve de toi et de ton grand corps déplié dans le fauteuil en cuir.
Je me souviens des escaliers en bois vernis,
doux sous les petits pieds nus.
Je me souviens de ma chemise de nuit,
de la jaquette en laine enfilée par dessus.
Et toi,
dans ton fauteuil en cuir,
plongé dans une revue scientifique,
de fines lunettes posées sur ton nez aquilin.
Il est 7 heures.
Une heure que tu es debout.
Ton amour se lèvera dans deux heures.
Une éternité rien qu’à nous.
Et moi, je ne dormais pas le matin,
à cette époque-là.
Moi, je courais sans bruit sur les escaliers en bois,
je me jetais dans tes bras.
Un peu vive cette petite tout de même.
Est-ce un chat ? Une bohémienne ?
Irruption improbable des Balkans
chez Calvin et ses descendants.
Mais les descendants de Calvin ont le sang chaud,
caché sous la face,
caché sous la glace.
Alors, la petite se jette sur tes genoux,
elle s’accroche à ton cou.
Et tu écartes la couverture sans plis qui recouvrait tes jambes.
Tu prends la petite contre toi.
Tu lisses la couverture tout autour d’elle.
Tu la replies avec douceur sous ses genoux.
Ta longue main blanche qui sauvait les enfants des autres
borde ta petite-fille contre toi.
Et là,
ainsi,
tous les deux en sécurité,
contre le monde et contre le froid,
tu me racontais ta vie de petit garçon à toi.
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